Dans la cité millénaire de Basilicate, classée Unesco et capitale européenne de la culture 2019, les maisons troglodytes reprennent vie. Balade italienne entre ombre et lumière.
Côté Pouilles, le parc de la Murgia, connu pour ses dizaines d’églises rupestres à flanc de falaise. Côté Basilicate, juste en face, Matera. Un profond canyon les sépare et au milieu coule une rivière. Il faut venir au petit matin sur le haut plateau rocheux du parc pour assister de loin au réveil de la ville, à l’embrasement de sa pierre blonde sous les premiers rayons du soleil. Pour mieux ensuite, une fois sur place, se laisser happer par les volées d’escaliers, les dédales de ruelles, les passages tortueux : un vrai labyrinthe en pente raide ! Mais l’exceptionnelle beauté minérale et chaotique du lieu vaut bien quelques efforts.
Matera compte parmi les plus anciennes villes habitées du monde : ses origines remontent à la préhistoire. Elle doit son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco à ses « sassi », Barisano et Caveoso : deux quartiers voisins, étonnants méli-mélo d’habitats creusés dans la roche calcaire. Leur configuration est ingénieuse et écologique avant l’heure (puits de lumière, citernes pour collecter l’eau de pluie…), mais leur destin est tragique : dans les années 1950, les conditions de vie y étaient si miséreuses que le président du Conseil en parlait comme « la honte de l’Italie ». Entièrement réhabilitée depuis et honorée par le titre de Capitale européenne de la culture 2019, Matera s’est offert une belle revanche et un rayonnement international.
Quelle belle surprise de trouver aujourd’hui, dans ce sud de l’Italie qu’on imagine volontiers traditionaliste, autant d’adresses audacieuses, au design léché, qui offrent une nouvelle vocation aux cavernes, grottes et autres maisons troglodytes sans les dénaturer.
Les boutique-hôtels, en particulier, ont su exploiter les sous-sols : rustique chic, le Sextantio, inauguré en 2009 et labellisé Design Hotels, a ouvert le bal.
D’autres ont suivi, comme le Palazzotto avec sa grandiose salle à manger éclairée à la bougie, le Corte San Pietro avec ses huit réservoirs d’eau souterrains dont l’un abrite depuis peu une installation artistique créée in situ, ou encore l’Aquatio avec sa piscine intérieure aménagée dans une citerne.
Bar à vins design, l’Enoteca dai Tosi plonge à 35 mètres de profondeur jusqu’à la cave et ses 260 références italiennes.
Au centre culturel Casa Cava, une ancienne carrière, les concerts donnés dans l’auditorium résonnent d’un son unique. Au Musma, musée de la sculpture contemporaine, les œuvres sont exposées dans les magistrales grottes d’un couvent, sans autre forme de scénographie. Le complexe rupestre La Madonna delle Virtu et San Nicolas dei Greci est encore un exemple étonnant de reconversion : en 2019, année décidément très particulière pour Matera, il a accueilli dans ses cavités une grande rétrospective Dalí avec 150 œuvres. Surréaliste…
www.turismomatera.it – www.basilicateturistica.it
Photos : APT Basilicate, DR, Céline Baussay
Article reformaté pour le web – Parution initiale dans Le Point, 2019.