Un site mythique à la pointe de l’Afrique, un décor naturel époustouflant, un melting pot assumé, des quartiers en effervescence et un tout nouveau musée d’art contemporain… La « mother city » s’est hissée au niveau des villes les plus belles et les plus cool du monde.
Souvenez-vous… En 2014, Le Cap était désignée Capitale mondiale du design : une vraie consécration pour la nouvelle génération de créateurs locaux, souvent aussi discrets et modestes que talentueux, audacieux et prolifiques. Ils ont vingt, trente, quarante ans tout au plus. Ils sont noirs, blancs ou métisses et l’avenir leur appartient. « Aujourd’hui au Cap, c’est presque normal d’être designer, ou au moins créatif, explique Haldane Martin, l’un des designers les plus en vue. La créativité appelle la créativité. Il y a ici un véritable vivier, qui s’autoalimente. »
Autre designer très influent, Aidan Bennetts considère que « le marché est encore petit au Cap, mais le potentiel est énorme. Les designers, par exemple, ne sont pas seulement des créateurs au sens artistique du terme. Ils sont aussi pragmatiques et très doués pour fabriquer de leurs propres mains, remettre au goût du jour des techniques artisanales anciennes, utiliser les matières premières de qualité et peu onéreuses qu’ils ont à disposition, comme le bois ou le cuir, mais aussi des matériaux recyclés. »
Alexandra Höjer, styliste d’origine suédoise, considère elle aussi que « Le Cap est un village, avec beaucoup de talents et d’opportunités. » Mais elle regrette une certaine empathie : « on appelle le Cap la ville-mère parce que les projets qui y sont lancés mettent neuf mois pour aboutir ! » Alors, pourquoi bon nombre de jeunes créateurs privilégient-ils Le Cap plutôt que Johannesburg, sans doute plus énergique et stimulante ? Le jeune designer Liam Mooney résume un état d’esprit très répandu : « Je ferais beaucoup plus de business à Johannesburg, reconnaît-il, mais je privilégie la qualité de vie au Cap. »
Nous voilà au cœur du sujet. Si Le Cap déborde de créativité, c’est aussi sans doute grâce à son environnement idyllique où la nature, omniprésente, est source d’inspiration : un peu comme Rio de Janeiro, la ville s’est développée dans un amphithéâtre ouvert sur l’océan, au cœur d’une baie majestueuse dominée ici par la fascinante Montagne de la Table. Quel que soit l’endroit où l’on se trouve, elle est là, imposante et fière, comme la gardienne du temple. Régulièrement, une couverture de nuages se pose sur son sommet, ajoutant encore à sa magie et à son mystère. « C’est en allant faire du VTT dans la montagne que je trouve mes meilleures idées, confie Haldane Martin. Les formes géométriques de la nature me suggèrent de nouvelles pistes de réflexion. »
Au pied de la Montagne de la Table, l’architecture urbaine brille par son éclectisme, entre les demeures coloniales ou victoriennes, les maisons malaises aux façades multicolores, les villas modernistes, les immeubles Art déco, les gratte-ciels et les lofts luxueux et ultra-contemporains.
Le front de mer a été particulièrement bien exploité : au plus près du centre, les immeubles résidentiels des quartiers chics de Sea Point, Green Point et Mouille Point s’égrènent sur des kilomètres, le long de la plage. La promenade ponctuée d’aires de jeux pour les enfants, de pistes pour les joggeurs et de parcours sportifs ressemble beaucoup à celle de Santa Monica, à Los Angeles. Mais c’est à Camps Bay que l’on retrouve vraiment l’ambiance des plages de Californie ou de Floride, les montagnes en arrière-plan en prime. Les happy few y viennent en décapotable, se garent à l’ombre des palmiers et adoptent illico la cool attitude : tenue casual chic, lunettes de soleil et tongs. Cette plage de rêve bordée de bars, clubs et restaurants, très prisée pour les shootings de mode et les tournages de pub, est un « hot spot », surtout le week-end et en soirée, à l’heure du coucher du soleil. Les amateurs de plages sauvages lui préfèrent Glen Beach, avec ses rochers de granite, comme aux Seychelles, et ses impressionnants rouleaux qui font le bonheur des surfeurs. Plus paisible et plus familiale, Clifton est une belle solution de repli, quand le vent souffle trop fort sur Camps Bay. En contrebas de la route, cette succession de criques est un véritable petit paradis, avec des villas modernes et des cottages coquets avec terrasse les pieds dans l’eau qui donnent envie de tout larguer pour s’y installer.
Comme dans les autres grandes villes sud-africaines, la coupe du monde de football en 2010 a contribué à améliorer les infrastructures du Cap, notamment son aéroport et son réseau routier et de transports publics. Mais c’est en fait toute la physionomie de la ville et les habitudes de vie qui ont été bouleversées ces dernières années, dans plusieurs quartiers. Le Central Business District (CBD) était récemment encore un no man’s land mal famé et dangereux à la nuit tombée. Peu à peu, des galeries d’art, des ateliers-showrooms de designers et stylistes, des bars et restaurants ont ouvert leurs portes sur Long Street, Bree Street, Longmarket Street, autour du Greenmarket Square ou encore sur Kloof Street dans le City Bowl. Une nouvelle population, aisée, curieuse, branchée, a répondu présent et c’est toute l’image du centre ville qui a changé. Dans le micro-quartier de The Fringe, surnommé le « hub de l’innovation », une pépinière de jeunes entreprises et d’institutions liées aux domaines de la création et des nouvelles technologies s’installe progressivement.
Néanmoins, c’est à Woodstock que la transformation est la plus bluffante : dans cette zone industrielle excentrée en pleine gentrification, les entrepôts d’Albert Road et de Sir Lowry Road ont été rénovés et reconvertis en galeries d’art, showrooms, boutiques vintage et restaurants tenus par les chefs à la mode. Des œuvres de street art ont envahi l’espace public et des orfèvres de la récup réalisent des merveilles à même le trottoir, soulignant au passage l’esprit alternatif du quartier. Les collectifs d’artistes et de designers ont investi des lieux réhabilités : la Foundry, le Woodstock Exchange et l’Old Biscuit Mill, où se tient chaque samedi matin le Neighbourgoods Market, un marché de créateurs (mode, bijoux, fripes, accessoires déco…) et de petits producteurs locaux très populaire auprès des hipsters, fins gourmets et puristes du bio et de l’artisanal.
Même le V&A Waterfront, aménagé dans les anciens docks du port du Cap, évolue et sort peu à peu de son image touristique et un peu aseptisée. Il accueille aujourd’hui le premier vrai grand musée d’art contemporain d’Afrique, le Zeitz MOCAA (Museum of Contemporary Art Africa). L’architecte anglais Thomas Heatherwick a été choisi pour restaurer le lieu : un ancien silo à grains construit en 1921 et considéré comme le plus grand bâtiment industriel d’Afrique du Sud. Pièce iconique dans la skyline du Cap, il mesure 57 mètres de haut et comprend neuf étages, dont cinq (soit 6 000 m2) sont dédiés aux expositions d’œuvres signées d’artistes africains et de la diaspora. La pression est montée peu à peu ces dernières années sur les épaules de Mark Coetzee, directeur et conservateur en chef du musée : « L’ouverture du Zeitz Mocaa suscite autant d’espoir pour les Africains que le Guggenheim Bilbao ou le Centre Pompidou à Paris en leur temps. » Une révolution est en marche dans l’hémisphère Sud et son épicentre pourrait bien se trouver au Cap.
www.southafrica.net – www.capetown.travel
Photos : Pascale Beroujon – www.photosberoujon.com
Article reformé pour le web – Parution initiale dans IDEAT, 2014.